• • 2007 • Sur la Réserve avec Catherine et Jean-Louis - "Programmes Humanitaires" !


    • 2016 •

     JUIN •

     

    En préambule,  je voudrais préciser que je tiens, par rapport à ma parole donnée à toutes les personnes que j’ai côtoyées sur la Réserve, à ce que mes propos et les photos qui y sont jointes restent exclusivement la propriété de notre Association PRES, et ne sortent pas de ce contexte, ceci afin de préserver l’intégrité des Lakota en particulier… Cette petite parenthèse vous paraîtra sûrement évidente mais je souhaitais tout de même la rappeler pour le principe…
     

    2007 : Sur la Réserve avec Catherine et Jean-Louis, "Programmes Humanitaires" !

     

     Nous sommes arrivés par les Badlands, une petite route non pavée, et n’avons pas remarqué le panneau d’entrée notoire stipulant le  franchissement de la Réserve… mais nous nous sommes vite rendus compte que nous venions de changer de territoire… plus de panneau de  signalisation, des voitures cabossées, roulant comme des bolides, et surtout quelques «queues de cheval» ornant les chefs des conducteurs qui  ne nous laissaient aucun doute : Pine Ridge !!! Nous y voilà !

     

    Honnêtement, nous nous attendions à une contrée désertique, beaucoup plus désolée… nous trouvons là quelques belles collines verdoyantes, parsemées de bosquets : le printemps est éphémère il est vrai, mais nous offre là un tableau pastoral absolument superbe…et nous en profitons car la fournaise des mois à venir ne tardera pas à abréger toute cette profusion végétale… 

    Nous arrivons au Motel de Kyle aux environs de 11H30. Jeri est absente, et nous retrouvera vers 17H00. Nous nous apprêtons à l’attendre lorsqu’une jeune fille s’avance vers moi, tenant par la main un petit bambin…

    - «Pourriez-vous nous emmener à l’école ?» me demande-t-elle... L’école est à 6 "Miles" de là…
    - «Ben oui !...»
    - «C’est votre voiture ou une voiture de location ?»
    - «Location… Nous sommes Français… Heu... c’est votre… fils ?» (Elle semble si jeune mais je me risque…) !
    - «Oui… il a 4 ans ! Je l’élève seule, son père est parti à sa naissance… J’essaie d’aller au collège mais je ne peux y aller que lorsqu’il est à l’école !!!!»

    Naturellement ! C’est une évidence voyons !!

    - «Mais… vous l’élevez… avec quoi ???»
    - «Je touche des «allocations» et pour le reste je me débrouille...»

    Je vois bien !!!

    Nous laissons le petit Aron et sa maman profiter des certainement trop rares contributions scolaires et décidons de nous rendre à Wounded Knee… Nous attendons qu’un petit groupe familial ait fini de se recueillir pour entrer à notre tour dans l’humble petit cimetière. La fosse qui renferme les corps des victimes du Massacre est dénuée de tout artifice floral, une simple bande herbeuse clôturée d’un grillage au centre de laquelle trône une stèle commémorative… des noms évocateurs… et des images surgissent, des visages, des cris… Je lève la tête : le ciel est noir, je n’ai jamais vu un ciel si noir… un natif s’approche de moi et me tend un dreamcatcher :    

    2007 : Sur la Réserve avec Catherine et Jean-Louis, "Programmes Humanitaires" !

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    - «C’est 20 dollars !!!»
    - «OK ! Sur un tel lieu, je m’incline !»
    - «Salut ! Je vais voir la tornade !!!»

    Tornade ? Mais ce n’est pas un mot anglais, qu’est ce qu’il raconte ? Dans le lointain, elle est bien là…  pas de contresens !!!

    On rejoint la voiture : à la radio, le speaker balance des recommandations : «Couvrez-vous la tête, éloignez-vous de tout objet contendant… alerte… la tornade est actuellement sur Potato Creek, elle se déplace à 35 Miles/heure…»

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     Personnellement, je n’en mène pas large : «File à l’opposé… grouille-toi !». Pourtant les voitures s’arrêtent : des familles entières en  descendent, on se demande comment une voiture peut contenir autant de monde : le père ou l’oncle, le grand-père ou la mère, appareils photo  ou caméscope en mains, ils filment, tout sourire, défiant le monstre qui se rapproche… À n’en pas manquer, c’est l’attraction du mois !!!  D’ailleurs le lendemain tout le monde en parle : «Elle n’est pas passée loin de chez moi… il y a eu des dégâts chez Dennis… son frère a dû  renforcer le toit en urgence…»

    Ah ! Je me doutais bien que les pneus visibles sur le toit des ces fichus mobil-homes, n’étaient pas voués à la décoration !!!
    Bon enfin… la peur au ventre, la mort aux trousses, nous sommes enfin de retour au Motel.

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    Jeri est là... Nos retrouvailles sont émouvantes. Le contact passe entre nous comme entre deux sœurs depuis notre première rencontre… Hasard ou simple rendez-vous ?  Elle nous présente Carole Birrington… professeur d’Université retraitée, en charge du Programme Share pour One Spirit… qui parle un peu français !!! Jean-Louis ne la lâchera pas le reste du séjour !!

     

    Un grand guerrier s’avance vers nous : look un peu à la Hell’s Angel, tout de jean vêtu, petit gilet de cuir, lunettes noires, natte dans le dos, l’air pas franchement sociable : c’est Charley White Elk, un traditionnaliste Lakota, un peu «réticent à l’égard des Français» me glisse Jeri. Bon ! Nous allons devoir subir l’épreuve de passage !!!

    Nous nous serrons la main fermement et Jeri propose que nous allions boire un verre au bar du Motel. 

    Autour de la table, la discussion est particulièrement «ouverte» : Charley nous branche d’entrée sur Bush et Sarkozy et nos opinions politiques divergent. Il dit qu’il est pour Bush, pour Sarkozy... et pour tous les Conservateurs. Là-dessus il nous montre son T-Shirt sur lequel figurent les Chefs Indiens du Traité de Laramie. Je commence à le cerner : il nous teste !!! Je lui réponds que j’ai compris son humour : il est plié en deux !!! Bon, après tout cela, on peut enfin aborder la raison de sa présence ici… Plus d’une heure s’est écoulée !! 

    Charley veut nous soumettre son projet : Il est un des derniers à connaître et pratiquer encore la langue Lakota et veut la transmettre aux jeunes… du District pour commencer car «les gars d’aujourd’hui ne sont guère motivés» nous explique-t-il «et préfèrent les vidéos, les consoles de jeux, la drogue et les filles...». Il est dépité mais il veut s’accrocher : il dit que le Lakota devrait être obligatoire. Actuellement les quelques heures qui sont enseignées dans les écoles gouvernementales ne le sont qu’à titre optionnel. Il dit que le gouvernement fait en sorte d’exhorter l’apprentissage de l’anglais au détriment de toutes les langues (y compris le Français, l’Allemand, etc… et naturellement le Lakota !!!). Nous échangeons quelques propos à ce sujet en nous référant à quelques groupes linguistiques rebelles en France, les Bretons, les Corses, les Basques…

    «Ah oui ! Les Basques !!! Je connais» me dit Charley. Je me souviens effectivement avoir lu quelque part que quelques similitudes phonétiques pourraient exister entre le Basque et le Lakota…    

    Nous évoquons je ne sais plus comment, Little Big Horn… il me demande mes impressions : «C’est un peu pour moi comme le dernier combat pour l’humanité ! Comme si nous avions laissé à tout jamais s’engloutir les valeurs fondamentales de liberté, d’égalité et de fraternité dans ce champ de bataille». Il me regarde et me dit : «Pour les Lakota, la lutte continue…». Et je lui réponds à nouveau : «Je sais, et c’est pour cela qu’on peut garder espoir…».

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    Continuer le combat, mais il faut bien reconnaître que la lutte est inégale : contre 90% de chômage !

    Tout en se resservant une cinquième tasse de café (… ce qui interpelle Jean-Louis qui lui demande pourquoi ??? Il répond : «C’est bon pour le cœur !!! Mais le Whisky, ce serait encore meilleur !!" Il nous explique «Nous ne sommes pas inactifs, nous travaillons… Mais pas comme vous. Nous travaillons pour les choses qui nous intéressent, pour celles que nous estimons en valoir la peine… comme construire un local qui permettrait aux étudiants d’apprendre le Lakota !»

    Pour cela, il faut certes de la bonne volonté mais aussi des sous et je comprends son mal être, sa réticence, en quelque sorte sa souffrance (comme pour nous d’ailleurs en ce moment !) à devoir admettre une telle chose… Il a besoin de nous en tant qu’Associations, mais pas de nos entités… du moins tourne-t-il les choses de manière à ce que les rôles soient inversés, c’est un jeu très subtil, émouvant et qui nécessite de réfléchir à la manière particulière de présenter notre soutien… et de composer avec son caractère. Ce que Jeri a l’air de réussir à merveille !!!

    Charley n’acceptera jamais d’être pris en photo… comme presque tous les Natives d’ailleurs. Ni lui, ni sa femme, ni son adorable babyson (comme il dit !).

    Il n’y a que sur le Pow Wow où je me suis permise de faire un petit film… En dehors d’un tel contexte, que ce soit les anciens, les enfants, les jeunes… leur réticence est évidente et totalement compréhensible. Je dirais même plus… Je la partage intimement, à tel point, que le lendemain, je n’éprouvais même pas le besoin d’emmener mon appareil photo… tant j’avais envie de découvrir, d’apprendre, d’écouter avant d’agir… Il s’agit de faire abstraction de tout préjugé car la culture Lakota exige d’accepter d’autres valeurs que nous avons perdues ou même jamais eues !!!

     

    Compte rendu 2ème partie…

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     Carole Binnington, m’informe de son projet éducatif. Elle me propose de l’accompagner lors de sa rencontre avec Michelle May, directrice de la  Bibliothèque de l’Oglala Lakota College.


    Le bâtiment est superbe, de forme arrondie, dans le respect du cercle naturellement… la bibliothèque est spacieuse, propice à la méditation, à la réflexion. Des portraits d’anciens sont suspendus sur toute la périphérie pour que les jeunes apprennent ou se souviennent… Un livre m’interpelle sur la généalogie de Crazy Horse. Un responsable s’approche et me précise qu’il est un de ses descendants. Nous discutons sur la façon d’interpréter les origines et il m’entraîne vers une galerie de portraits aux noms méconnus du grand public mais qui semblent avoir marqué profondément les générations Lakota, beaucoup plus en tout cas que ceux qui se sont inscrits dans l’histoire… Nous revenons dans la grande salle. Peu d’étudiants aujourd’hui… il est vrai que les vacances scolaires viennent de commencer.

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    Michèle nous propose de discuter autour d’une table… elle nous explique d’abord qui elle est, son parcours, ses origines Lakota qui influent considérablement sur la manière de concevoir son rôle : elle voudrait «élargir» ce champ littéraire au-delà de ce vaste complexe afin que tous les enfants Lakota puissent en bénéficier : elle nous explique qu’il existe des centres annexés à la Bibliothèque Centrale mais qu’ils manquent cruellement de livres neufs. Elle insiste sur le fait qu’emprunter un livre et le rendre n’est pas chose facile à admettre dans la Culture Lakota. Lorsque les enfants prennent des livres, ils ne les rendent donc pratiquement jamais d’où le renouvellement constant du stock qui requiert des sommes importantes extrêmement difficiles à négocier auprès des autorités administratives. Pourtant elle se bat Michèle : par exemple cette année, elle a réussi à obtenir que la Bibliothèque reste ouverte pendant toutes les vacances (mais à long terme, là aussi, il faudra des fonds pour payer le personnel…). Elle a fait en sorte que cette Bibliothèque soit également ouverte aux parents, aux adultes en général pour automatiser une réaction inconsciente : les parents viennent chercher les livres avec les enfants, peuvent flâner dans les allées et avoir envie de consulter un ouvrage… Le taux d’analphabétisme est encore important chez les adultes mais il semble se résorber chez les enfants… qui ont les moyens de fréquenter l’école… nous sommes bien d’accord !!!

    Je pense à quelque chose que je proposerai à Jeri plus tard : pourquoi ne pas envisager l’achat par PRES de livres pour Noël par exemple qui pourraient être distribués par le biais de cette Bibliothèque aux enfants lésés parce que trop éloignés de ce beau complexe ou pour d’autres raisons facilement imaginables. Qu’importe ce qu’ils en feront, qu’ils le déchirent ou qu’ils le perdent dans les bas fonds de la Réserve, ils auront eu un livre à eux… Enfin, je vois les choses comme cela, et Jeri partage complètement mon avis qui me dit : «Je n’osais rien te dire, mais tu sais le système scolaire en place et le système Lakota… ça fera toujours deux !!!» On est bien d’accord et elle me proposera d’examiner le moyen de réaliser ce projet pour Noël prochain…

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     Nous quittons Michèle pour nous rendre au petit Musée de l’Oglala Lakota Collège… un Musée dans un Collège, je  suis hyper intéressée et je ne serais pas déçue : nous descendons un escalier en colimaçon, et sur le mur, se  déroulent des  fanions à l’effigie des symboles majeurs que  sont le Ciel, la Terre…



    Nous sommes accueillis, Carole, Jean-Louis et moi par une adorable gamine qui, après quelques explications succinctes, nous propose d’écouter un CD relatant l’histoire du peuple Lakota : je vous livre quelques photos que vous connaissez sans doute, mais dans ce cadre, au sein de la Réserve, qui plus est, dans un Collège où l’on a décidé de ne rien oublier, pour rappeler la fierté de ce peuple, pour préserver son honneur, sa dignité, je suis scotchée devant des photos jaunies qui s’étalent en grand format sur le mur d’une école !!!

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    Bien évidemment, après chaque visite, chaque discussion, nous jouons les prolongations avec Carole et Jeri… Jean-Louis joue avec ses lacets, ou fait des bulles dehors… Sans rire, il a bien progressé… mais davantage en Lakota qu’en Anglais !

    Les journées sont courtes, trop courtes. La tornade nous a laissé un ciel de traîne et surtout un froid de canard qui n’incite guère aux longues soirées en plein air !!! Aussi, nous nous retrouvons dans les chambres pour faire comme les Lakota : palabrer pendant des heures !!!

    Et le matin, c’est dur dur car nous démarrons de bonne heure : à huit heures, nous sommes dans la voiture : rendez vous chez Rosalie, Janis, et Linda Bull Bear, respectivement Directrice et Avocate de l’Association «Victim Assistance in Indian Country». Nous arrivons devant un mobil-home, identique à bon nombre de mobil-homes qui contribuent à l’«urbanisation» de Pine Ridge. Rosalie nous attend. Deux ou trois bureaux meublent la pièce mais le tout reste très sobre !

    Rosalie nous accueille chaleureusement : nous nous installons autour d’une table et Jeri lui demande de nous présenter son Association.

    2007 : Sur la Réserve avec Catherine et Jean-Louis, "Programmes Humanitaires" !

    Et Rosalie parle, parle, parle, avec émotion, avec indignation, avec colère parfois, mais jamais on ne sent poindre la résignation, même après avoir ponctué sa narration d’un : «Ce n’est pas la Culture Lakota ça !!! Jamais !». Rosalie se bat, elle et son équipe pour les êtres de 3 à 88 ans victimes de violence, toutes sortes de violences, les violences domestiques, les violences conjugales, les violences sexuelles, les violences fratricides, la VIOLENCE faite principalement aux enfants, aux femmes et aux anciens… Mais elle précise que les violeurs sont aussi des victimes, victimes d’une vie perdue qui ne trouvent plus d’autre refuge que celui prodigué par l’alcool ou la drogue : sur la Réserve pas de coke mais une espèce de mixture locale, plus vicieuse encore que ces consoeurs, plus meurtrière… enfin plus en adéquation avec le mal être… permanent !!!

    Rosalie et Linda, qui est venue nous rejoindre, tentent donc de mettre aussi en place un service prédisposé à l’écoute, à la compréhension de cette violence… pas totalement gratuite !

    Il arrive que le FBI leur amène les victimes directement, compte tenu des problèmes spécifiques, inhérents à la Culture et à la Réserve… Car ces problèmes impliquent d’être analysés, et gérés par les Lakota eux-mêmes. Là-dessus, Rosalie nous fait part d’une anecdote douloureuse : celle de ce jeune garçon qui se présenta à elle, accompagné d’une jeune fille : «C’est ma Sœur, et ON la viole…». Le garçon se tordait les doigts, regardait sa sœur, disait qu’il fallait la mettre à l’abri, la protéger… mais il ne voulait pas partir non plus. Il restait là, comme si son sort restait collé à celui de sa sœur, comme si lui-même disparaissait derrière le drame vécu par celle-ci… «Quel âge as-tu ?» lui demanda Rosalie «13 ans» ; «Mais que fais-tu quand elle subit ces horreurs»… il la regarda avec des yeux exorbités «Mais je sais bien ce qu’elle ressent, je le sais !!!»… après une longue discussion, il finit par admettre que lui aussi, était l’objet lubrique d’un oncle imbibé du matin au soir… Honneur perdu d’une famille, crainte de représailles sanglantes… Des enfants qui se taisent et se terrent ainsi il en existe hélas bien trop de par le Monde et pas seulement sur la Réserve !!! Mais ce type d’abus est par trop récurent depuis quelques années, de plus il semble exister un sentiment de connivence éprouvant comme ci dans les deux camps, violeurs et victimes, devant un avenir sans soleil, avaient décidé d’accepter et de jouer leur rôle dans l’abnégation ! Pourtant quand Rosalie s’est rendue chez la mère du garçon, celle-ci a pleuré, tant pleuré… Rosalie était émue et nous retenions nos larmes, nous partagions sa douleur, à ce moment nous étions toutes reliées à un seul être… Le jeune garçon a pu aller à l’hôpital, a été placé provisoirement avec sa sœur chez des cousins proches en attendant la suite de l’enquête… qui risque d’être longue et ardue…

    Plus prosaïquement, voici ce dont l’Association de Rosalie s’occupe :

    • Intervention au moment de la crise : si la victime a le temps et les moyens d’appeler !!!
    • Nourriture, vêtements, abri et transport : l’Association récupère et emmène les victimes au local car ces dernières sont souvent dans l’impossibilité de rejoindre le domicile après de tels drames… Il lui faut donc être paré à tout hébergement provisoire pour tous ces cas de figure. Nous avons visité l’arrière salle où est entreposé tout ce «nécessaire au réconfort» : des cartons de pâtes Barilla, des cartons de couvertures, des vêtements neufs ou très peu usagés, des caisses remplies de nounours, poupées, etc… «Pour un tout petit, il est indispensable d’avoir sous la main l’âme sœur susceptible de prodiguer inopinément l’amour maternel disparu… ou tronqué !!!»… dit Rosalie... «Toutes les peluches que nous avons pu offrir à nos chers bambins n’ont jamais eu l’intensité du regard, n’ont jamais eu l’âme ni la douceur de ces Lapins Câlins, de ces Bambi Gentils agglutinés dans cette caisse... Celles-ci avaient tant de choses à dire, à consoler !»
    • Prise en charge jusqu’à l’hôpital pour les examens médicaux.
    • Aide pour remplir les formulaires à des fins d’octroi d’indemnités compensatoires.
    • Mesures d’urgence : réparation des portes et des fenêtres, des serrures, etc…
      Défense devant la cours de Justice Criminelle : transport jusqu’au Tribunal, compte rendu de procès, restitution de la plaidoirie, assistance psychologique.
    • Assistance d’urgence légale telle que la demande de protection.
    • Avocat personnel pour assister la victime contre les comportements abusifs de créditeurs ou d’employeurs, pour le recouvrement de la propriété de biens, pour mettre en lien la victime avec tous services opportuns.

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    Une bien belle initiative qui fut récompensée à sa juste mesure car Rosalie ne se la joue pas, c’est une puriste, ennemie de l’impossible :

     



    Je vous livre, ci-dessous, le texte qu’elle a écrit elle-même pour expliquer son combat :

    «She lay crying for her children who were hurting
    Hurting because they were violated

    Violated in a way that should never had been
    She lay crying for her children who were hurting
    Hurting because they did not understand how someone2007 : Sur la Réserve avec Catherine et Jean-Louis, "Programmes Humanitaires" !
    They loved and trusted could being such shame onto them
    She lay crying or her children who were hurting
    Hurting because they all knew this was only the beginning of the nightmare
    She knew that they must face the rest of their loved ones
    She knew they would not take responsibility. She knew there would be blame
    So much shame, so much blame
    A Mother’s heart and spirit is broken just as the heart and spirit of her children
    Just as her children have been violated
    So has she
    They so desperately need the great blanket of snow and the strong wings of the Eagle
    The snow and wings of the Eagle to give protection
    The protection they do not feel…”

    Rosalie Janis

    Le combat de Rosalie nous a rappelé à Jean-Louis et moi celui de deux grands bonhommes : Coluche et l’Abbé Pierre. Et lorsque nous nous sommes retrouvés encore à table à l’écouter, je l’ai interrompu (2 minutes !) pour lui dire : «Mais il te faudrait des lits, une cuisine, une structure plus adaptée à l’hébergement qui permettrait à ces souffres douleurs de récupérer un peu, un coin certes provisoire mais qui leur permettrait de souffler !!! Une vraie maison aussi qui servirait encore d’abris à tous ces gens qui passent la nuit dans leur voiture… et l’hiver, (ou l’été avec les tornades !) lorsque les mobil-homes deviennent trop étroits parce que 15 ou 20 personnes n’ont d’autre choix que de s’y agglutiner comme des sardines, le poêle à bois ou à propane du cousin ayant rendu l’âme non sans avoir réduit à néant la frêle construction familiale !!!». Je m’emballe car j’oublie que ce sont là des idées bien adaptées à un cadre sociétaire spécifique… Mais à ma grande surprise Rosalie acquiesce «C’est bien cela que je voudrais faire… mais il n’y a que nous…». Qu’à cela ne tienne, la Réserve est grande mais pas tant que ça ! 40.000 personnes, bon sang de bois, ce n’est pas la mer à boire !!! Il doit bien y avoir un moyen d’aider Rosalie et son équipe dans ce superbe projet… Et Jeri est bien décidée à s’y intéresser aussi !! Voici une belle diligence attelée à deux fougueux équidés !!! France et Amérique côte à côte pour une cause commune… Non ! Pas commune ! Universelle !

    Car comme 350 millions d’autochtones qui collaborent encore à notre Patrimoine Humain, et qui sont nos Peuples Premiers, les Lakota ont plus que le droit d’exister et ce autrement qu’à travers les Musées qui fleurissent de par le monde comme pour les (r) assurer d’une ultime reconnaissance. Pour moi ils prennent plutôt des allures de cortèges funèbres, ces Musées… Un dernier hommage en quelque sorte ! Et les mécènes de ces collections illégitimes pourraient bien avoir été dans un autre temps, les fossoyeurs de toutes les espèces humaines ou animales disparues aujourd’hui. Ils les ont fondues dans l’acier, le métal, le matérialisme de nos Sociétés Occidentales et avec elles, s’estompe lentement une authenticité spirituelle irremplaçable qui savait lier le respect de la nature à la vision raisonnée de notre monde… Nous sommes en train de perdre le regard de l’autre… Eux sont peut-être en train de renaître de leurs cendres ! Mais pour nous, j’ai bien peur que le feu ne laisse que le néant où le Phoenix errera à tout jamais… à moins que tous ensembles nous empoignions le tuyau d’arrosage pour sauver les meubles à temps !!!

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    Carole tenait à nous montrer l’Hôpital de Pine Ridge… Nous nous y sommes rendus mais malheureusement, la personne qu’elle devait rencontrer était très occupée et nous avons dû rebrousser chemin… Puisque nous étions sur Pine Ridge, Porcupine n’est pas si loin et Jeri nous a proposé de rendre visite à Merle Locke. Je crois que vous le connaissez un peu :
    Merle Locke est un Artiste dans la pure tradition Lakota : il a été à l’origine avec John Dubray du magnifique projet «La Société des Enfants Bison» dont je vous reparlerai plus tard…

    Jeri appelle Merle car elle ne se souvient plus de l’emplacement de la maison… Nous y voilà : devant la maison une voiture est garée… Banal me direz-vous mais en jetant un œil dans la voiture, j’y découvre un amoncellement de choses que vous n’imagineriez pas trouver dans une voiture… Ces objets insolites  occupent toutes les places… ne reste qu’un petit espace modulable pour le chauffeur… Merle nous ouvre et prend Jeri dans ses bras. Il me paraît immense… Surtout lorsqu’il l’embrasse… Cette fraternité est une longue histoire : en d’autres circonstances, Jeri m’a expliqué qu’il lui avait fallu plus de cinq ans pour gagner la confiance de quelques Lakota : aujourd’hui, malgré une réputation bien ancrée, chaque fois qu’elle est appelée pour financer un projet, elle n’impose rien car aussi paradoxal que cela puisse paraître, c’est d’abord à elle de se plier aux règles du jeu : voici bien là une coutume qui a dû faire des perplexes et des indécis car nous sommes tellement habitués dans notre Monde Occidental à cette notion de reconnaissance qui ne se traduit certes pas ici par des effusions de joie ou des baisements de pieds !!!

    Merle nous fait donc entrer sans autre forme de cérémonie. La maison n’est pas très grande, des tableaux sont accrochés aux murs de la petite salle de séjour. «Alors vous êtes Français… J’ai des origines françaises très lointaines !». Ouais, et bien Merle, on va peut être les oublier parce que personnellement, je ne cautionne pas trop la façon dont ces choses là on dû se passer… D’ailleurs Merle n’insiste pas et change rapidement de sujet : il nous présente sa femme qui vient nous serrer la main (elle aussi dit avoir des origines françaises… décidément... nous étions partout !!!) et se dirige vers l’unique table qui doit servir de table à manger…

    2007 : Sur la Réserve avec Catherine et Jean-Louis, "Programmes Humanitaires" !

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     Et là mes amis, sur cette table s’étale une magnifique peau de daim peinte, telle celle que j’avais  admirée sur le Site que nous avait indiqué Jeri la première fois que nous avions évoqué le projet de  "La  Société des Enfants Bison"… Moi qui depuis des années travaille sur le symbolisme  amérindien, je suis subjuguée… et je le lui dis… il compatît… et entre dans une explication effrénée  des symboles représentés… La Voie Sacrée du Peuple Lakota… les 7 rites, la roue centrale, les  couleurs, les directions, je compte en même temps que lui, je ne suis plus sur terre et pourtant…


    Même Jean-Louis qui ne comprend rien, est fasciné par ses grands bras qui s’agitent d’un bout à l’autre de la fresque, le ton de sa voix qui a changé alors qu’il est en train de traduire le caractère Sacré de son œuvre… Ce n’est plus le même homme… d’un seul coup il s’arrête… Puis repart dans une autre direction… Sacrée naturellement !!!

    J’interpelle Jeri pour lui demander si cette œuvre est à vendre… Elle questionne Merle qui lui répond qu’elle n’est pas terminée… qu’il ne veut pas s’en détacher tout de suite, qu’elle fait partie de lui… De par l’humble expérience que nous avons acquise de par le Monde, on pourrait associer cela à une «négociation»… Jeri lui dit que nous repartons à la fin de la semaine et surtout que je ne manquerai pas de faire connaître son travail en France… Bref… marché conclus !

    Contrairement à Charley, Merle tient absolument à être pris en photo à nos côtés avec son oeuvre ! Nous lui en sommes reconnaissants car nous le considérons Jean-Louis et moi comme un Artiste exceptionnel dont les œuvres s’inscrivent dans le temps et l’histoire de son Peuple. C’est pour nous un honneur ! Et c’est pour cette raison que nous tenons à vous faire partager notre émotion, notre admiration pour Merle, traditionaliste Lakota qui en plus d’être un être au talent incontestable est un homme de cœur, un homme qui veut pour la jeunesse Lakota, ce dont il a été privé : une structure où l’art typique Lakota pourra s’affirmer dans toute sa légitimité et sa beauté, et où quelques jeunes pourront peut être sortir de l’anonymat de la Réserve et devenir des peintres émérites !

    Nous quittons Merle… Sur la route du retour, Jeri tient à nous montrer quelques constructions «gouvernementales»… Des maisons, un peu comme la deuxième des trois petits cochons vous voyez ??? Pas en paille, pour éviter toute connotation primitive, mais le matériau contemporain utilisé ne leur confère guère plus de solidité… D’où les pneus sur le toit… vous vous souvenez… pour éviter les assauts du grand méchant loup hurlant et… soufflant ! Bien évidemment, l’isolation est inexistante et entraîne une insalubrité caractérisée. Jeri m’explique qu’elle est en cours de négociation avec une personne influente d’une grosse boîte de marketing, susceptible de financer ce projet préalablement indispensable à toute entreprise d’installation thermique digne de ce nom !!

     

    Nous rentrons à l’Hôtel vers 18H00… et retrouvons une amie de Jeri, une américaine, Kathleen Price, Fondatrice et Directrice de la Fondation Mission of Love. Jeri m’explique que cette femme a reçu un Award pour son travail dans l’humanitaire : elle récupère des fonds pour construire des maisons aux sans abri… J’ai rarement rencontré des gens de cette espèce, d’un abord aussi simple, d’une communication aussi directe et franche. C’est une grande dame dont la devise est profondément attachée au célèbre discours de Martin Luther King : «Use me, God. Show me how to take who I am, who I want to be, and what I can do, and use it for a purpose greater than myself». Jeri me présente… Kathleen me prend dans ses bras et m’embrasse avec émotion. Je n’ai rien fait, je n’ai rien dit, je ne suis rien face à cette femme extraordinaire dont l’humilité est saisissante. Nous parlons des femmes sur la Réserve attachées traditionnellement au foyer, et à leur rôle de «gestionnaire» de la famille. Mais les conditions sont telles aujourd’hui, qu’elles prennent de plus en plus le bison par les cornes ! Elles se veulent autonomes, et libres d’assumer leur vie. Il me semble que cette optique va de paire avec les propos d’une certaine Cecilia Fire Thunder, fût un temps… les femmes bougent toujours plus… je l’avais déjà remarqué par le biais de Rosalie et de Linda.

    Les hommes… Où sont les hommes ??? Alors oui, à Pine Ridge, nous avons vu des hommes arpenter le bitume, désoeuvrés, handicapés, sous l’emprise de la drogue ou de l’alcool (que l’on dit interdit sur la Réserve), sales, paumés, hagards… boire un verre à l’unique «café potable» de Pine Ridge, c’est s’exposer à l’interpellation de ceux-là qui s’approchent, en titubant, de notre table parce qu’ayant «saisi» notre identité, ils tentent de nous proposer dans l’absolu des bijoux, des peintures qu’ils n’ont même pas emmenés avec eux... il y a aussi ces grands mômes qui se tiennent à l’affût devant les caisses des supermarchés, mais sans haine dans le regard, juste une certaine lassitude… comme je voudrais éviter de penser… de la vie !!! Bien sûr que tous ceux là existent…


    Mais il y a surtout tous ceux qui sont conscients de ceux là et qui pour eux sont prêts à s’investir ou s’investissent déjà, indépendamment ou collectivement ! Dire que les Natifs se laissent mourir, dire qu’ils se résignent, dire qu’ils se soumettent, est faux !!! Ceux-ci savent et comprennent qu’il faut résister à toute forme d’aphrodisiaques. Pour ceux-ci encore, le respect et la dignité sont intacts, pour les anciens, pour les jeunes, pour les enfants, pour les handicapés, pour les homosexuels, pour leurs épouses… De ceux-ci, on ne parle pas, on préfère rester sur l’image de la rue de ceux-là, comme à la télé… on privilégie on ne sait trop pourquoi le profil du criminel en puissance ou du dégénéré au détriment du combattant pour la vie… ou de la survie si vous voulez !

    Hommes et femmes Lakota sont bien présents sur la Réserve et continuent de naître… Et ça, c’est une super bonne nouvelle !!!

    Ce matin, nous avons rendez-vous chez Ken Lone Elk, le cousin de Charley dont l’intention est de mettre en place un Programme «Chauffage» très rationnel qui inclurait la réparation et l’isolation des constructions avant livraison de bois ou de propane.

    Ken habite Porcupine. C’est un homme grand (c’est la moyenne !) entre cinquante et soixante ans, qui nous introduit dans son bureau (ordinateur + imprimante) après avoir embrassé Jeri et avoir servi une franche poignée de main à Carole et moi (Jean-Louis est resté à l’Hôtel appréhendant une sémantique technique par trop élaborée !!!).

    Jeri avait pris soin au préalable d’acheter quelques denrées alimentaires : café, biscuits, chocolat, etc... que Ken installe sur la table sans mot dire… Nous nous plaçons ainsi «à la bonne franquette» en attendant qu’il nous imprime le document de travail sur lequel nous allons devoir plancher.

    Pendant ce laps de temps, nous ne parlons pas... Des voix balbutient en sourdine des chants qui résonnent comme des incantations, des cantiques… Je trouble le silence et demande à Ken de quoi s’agit-il ? : «C’est Primeaux and Mike ! J’aime bien écouter ça quand j’ai besoin de me concentrer ou de méditer…». Effectivement, cet album que j’ai acheté par la suite, est un condensé de chants liturgiques consacrés à la Native American Church ! Sans commentaire car il ne nous appartient plus de préjuger de l’influence négative des églises mais de respecter les convictions qui sont devenues celles de beaucoup de Natifs d’aujourd’hui. En tout cas, personnellement, j’ai la plus grande tolérance à ce sujet par trop intimiste.

    Donc, après cette courte phase de recueillement, nous voici prêts à aborder la proposition de Ken… C’est alors que Charley fait son entrée : après un bref salut, il va s’asseoir auprès de Ken et entre immédiatement dans le vif du sujet : «Il est primordial de réaliser ce projet dans le plus strict respect culturel, c’est pourquoi je propose que nous lui donnions le nom de : Lewe Nahan Tawalin Wajin» (je pense que cela à quelque chose à voir avec Programme Bois et Propane mais je n’en mettrai pas mon nez à couper !!!).

    Naturellement, nous sommes unanimement pour ! Mais je dois préciser qu’il s’agit surtout pour Charley de faire prendre conscience aux Lakota que ce projet s’inscrit dans la pure tradition du Peuple, qui est celle du partage et de la solidarité. En fait, nous comprenons aussi que nos interventions financières doivent en quelque sorte être le plus discrètes possible, afin de permettre à ces exigences culturelles d’avoir tout leur impact…

    Je dois avouer être tout d’abord restée dubitative quant à ce dernier point, ayant même confié à Jeri que je voyais quelque part dans cette intention, une façon peut être trop évidente de s’attirer ainsi la reconnaissance exclusive d’une action généreuse… Mais après en avoir débattu avec Jeri, je sais qu’elle a raison : là encore, c’est une vision par trop occidentale, toujours sujette à suspicion qui m’a sûrement incitée à penser de la sorte car Charley est un traditionaliste, doublé d’un puriste : il veut que son Peuple renoue avec ses valeurs, et je dois admettre que parmi les personnes que nous avons rencontrées (dont Rosalie !), bon nombre n’ont cessé d’évoquer cette résolution essentielle à tout acte bénévole. Il faut que les Lakota comprennent qu’ils devraient tous avoir aujourd’hui cette prédisposition qui consiste à porter un secours systématique à autrui. Et bien mes amis, si ce beau rêve se réalise sur la Réserve, dans quelques années deux options loisirs «jardinage» s’offriront à l’humanité : soit cultiver l’altruisme à Pine Ridge ou entretenir notre misanthropie dans l’indifférence généralisée des fastes de Dubaï !!!

    Voici les bases de réflexion de Ken dont je vous livre quelques bribes :

     Information for development of proposal :

    — Location of wood : Vale so. Dak./280 miles round trip from Ken’s
    — Two flat bed trailers/ possibly four (Ken-Will & Larry)
    — Three chainsaws/possibly four (Ken -2, Charlie -1 &Larry -1)
    — Workers : Ken & Charlie  ? per day
                         Will & Larry ? per day
                         Dio & J.D. ? per day
    — Ken’s trailer needs tire change over : price ?

    Bref, pour tenter «d’argumenter» le sommaire ci-dessus qui, mine de rien, a duré presque trois heures, je vous résumerai le tout en expliquant que les Lakota couperont et amèneront sur la Réserve 200 cordes de bois, orme et frêne, en provenance d’un donateur anonyme qui souhaite défricher sa terre. Le coût de la main d’œuvre et des outils nécessaires à la coupe de ce bois ainsi que le transport sur la Réserve devrait être d’environ $10.000 ou $50 par corde. Le bois sera distribué gratuitement l’hiver prochain aux anciens et aux familles qui ont besoin de chauffage. Le prix actuel d’une corde de bois sur la Réserve est de 170 à $200. Si One Spirit (et PRES) devaient payer par leurs propres moyens 200 cordes de bois et en faire assurer la livraison, le coût s’élèverait alors à $40.000. Travailler ainsi avec les Lakota nous confère donc là une opportunité extraordinaire qui consiste à pouvoir procurer du chauffage l’hiver prochain aux plus démunis de la Réserve pour le quart du prix du marché actuel !

    Jeri a calculé que si 200 personnes donnent chacune $50, le Programme Bois sur Pine Ridge sera réalisable ! 400 personnes donnant chacune $50, c’est du chauffage à la fois sur Pine Ridge et sur Cheyenne River !!! Certes !!!

    Nous quittons Ken et Charley sans nous être vraiment engagés compte tenu de quelques points obscurs qui nous interpellent… Jeri a ressenti un malaise chez Charley… elle lui rappelle qu’il lui avait proposée une couverture à la vente lors de sa dernière visite… Qu’à cela ne tienne ! Elle est encore dans la voiture… Et Charley de courir pour déplier cette magnifique pièce emballée et pesée en moins d’une minute !!! Sacré Charley ! Jean-Louis et moi l’aimons beaucoup car il a quelque chose d’indéfinissable qu’il entretient auprès du profane : il est d’une sensibilité extrême et il ne faut pas craindre de l’entendre parler des "wasicu" sur un ton provocateur ou cynique… il a ses raisons… et aussi déroutant soit-il je crois que c’est un vrai Lakota !!!

    Nous nous sommes revus quelques jours plus tard à notre Hôtel où Jeri avait convié Ken et Charley afin d’approfondir leur proposition autour d’un repas pris en commun.

    Ils sont arrivés avec toutes leurs petites familles… Bonne humeur et convivialité… Je dresse la table avec Charley qui remplit les verres d’eau fraîche. Son baby son est là ainsi que son épouse, Cordelia, Ken et son épouse Noreen… Charley recommence à nous brancher «conservateurs, Bush et Sarkozy»… Ken me demande de lui préciser notre conception des Natives… Chance ! je sais ! (Il se trouve que la veille j’ai dû préparer un petit topo à ce sujet pour une interview d’une vingtaine de minutes à l’initiative de Jeri à l’attention d’une radio à grande écoute en Virginie… Au début, mouvement de panique car pas prévu au programme mais grâce au dictionnaire qui ne me quitte jamais, aux bonnes volontés de Carole et Jeri, et surtout à la patience de Kathy la journaliste, tout s’est très bien passé !!!

    Donc, bien préparée à la question, je me lance dans une explication laborieuse, enfin parmi une de celles qui me paraisse sortir de l’Indien stéréotypé, guerrier insaisissable et mystérieux, ivre de liberté, etc… Si vous le permettez, je vous la livre en prenant bien soin de vous rappeler qu’il s’agit là d’un concept très personnalisé : «A mon avis, cette relation émane d’une histoire ancienne. Je pense qu’elle peut dater de l’époque de ce que nous appelons en France, le «Siècle des Lumières» qui se situe entre le XVIIIème et le XIXème siècle. Il se trouve que curieusement, beaucoup de «nouveaux» grands penseurs européens tels Jean Jacques Rousseau, Montesquieu, Voltaire à la fin de sa vie, puis plus tard Karl Marx mais aussi Rimbaud, Victor Hugo, et bien d’autres ont manifesté dans leurs écrits un intérêt évident pour la découverte de ces civilisations, leur spiritualité, leur mode de vie mais surtout aussi leur organisation politique, dénuée de hiérarchie sociale… Et moi, il me plaît de croire que notre devise «Liberté, Égalité, Fraternité» pourrait bien avoir trouvé ses fondements dans les principes structurels de ces Sociétés dites primitives par certains, futuristes par ceux déjà cités ci-dessus… Nos bases «démocratiques» en quelque sorte… En ce qui concerne les Lakota proprement dit, peut être le caractère «révolutionnaire» au sens de résistant au conformisme occidental a-t-il pu être ressenti déjà à l’époque comme un élément distinctif des autres populations amérindiennes…»

    Tout au long de cet «examen oral», je perçois d’abord la surprise… Trop tard, je suis lancée… Bientôt les hommes se mettent à opiner du Chef tout doucement, en triturant leurs doigts ! A la fin de ce commentaire un peu alambiqué, il faut bien le reconnaître, je me tourne vers les femmes, celle de Ken me dit : «Tu reviendras sur la Réserve l’année prochaine ???» ; «J’espère bien !» dis-je un peu décontenancée par l’imprévu de sa question... «Bon ! alors je serais encore là !!!»

    Nous proposons la poursuite du Projet Chauffage… Jeri et moi souhaitons faire une photo des responsables… Charley refuse catégoriquement, désignant Ken comme unique garant, et nous déclare qu’il doit partir ! Il s’éclipse sans mot, ni geste, embarquant avec lui femme et enfant… Je crains de l’avoir froissé avec cette idée de photo !!! Mais d’un seul coup, il réapparaît, et vient me donner une ferme poignée de main en y ajoutant un sonore «Au revoir la France !». Non ! il n’est pas fâché !

    Nous nous rendons Ken et Noreen, Jeri, Jean-Louis et moi dans la chambre de Jeri pour «peaufiner» la discussion : Ken s’est déjà beaucoup investi pour son peuple… il est connu et pas toujours reconnu pour ses actions généreuses, nous dit-il : «J’ai souvent aidé les autres à réparer leurs maisons et je n’ai guère eu le temps de m’occuper de la mienne !… Mais on dirait qu’ils s’en foutent… C’est comme lorsque l’on parle d’isolation, quelques fois, c’est peine perdue : tu te souviens Noreen du cousin «?» à qui l’on avait fourni tout le nécessaire afin qu’il puisse colmater les ouvertures… Lorsque nous y sommes retournés, il avait «décoré» la maison avec les matériaux isolants mais les trous étaient toujours là !!!» ils se marrent ! «Il faudrait dans un premier temps réaliser les travaux sur une ou deux maisons par district qui serviraient de «maison témoin» en quelque sorte, pour bien sensibiliser les gens à cette nécessité !».

    Ken nous fait (c’est l’usage Lakota !) une petite aparté sur Noreen qu’il qualifie devant nous et devant elle de conseillère indispensable à toute prise de décision… Il s’est rendu compte depuis longtemps que son bon sens, sa perception des choses étaient exceptionnelles… Noreen reste stoïque !

    Puis Jeri lui demande s’il a eu des nouvelles d’un certain William… et Ken se met à nous narrer une histoire extraordinaire… Je suis assise par terre… Il ne manque plus que le tipi autour et le feu Sacré au centre ! Il nous parle de déjà vu, d’une vision qu’il a eue à propos de ce William qu’il a aperçu aux côtés de Jeri, ce rapprochement virtuel symbolisant pour lui la confiance qu’il peut leur accorder à l’un comme à l’autre sans détour… Jeri en est toute retournée !!! De plus les détails qu’il énonce concernant ce William qu’il n’a jamais vu réellement sont sans conteste très troublants aux dires de Jeri…

    «Ça me rappelle une autre histoire… tu te rappelles Noreen ?»... «et de ça, te souviens-tu ?» Noreen dort, assise… Il est presque minuit… et nous n’avons pas franchement avancé sur la mise en place du Projet «Chauffage». Jeri dort également. Quant à Jean-Louis, il y a belle lurette qu’il nous a tous abandonnés. Je me lève pour essayer de sensibiliser notre cher orateur aux ronflements discrets mais notoires de ses auditeurs… Jeri ouvre difficilement un œil puis se lève «Ça suffit Ken ! Nous verrons la suite demain…». Ken se lève aussi, frais comme un gardon, Noreen nous embrasse non sans m’avoir rappelé «Je serais encore là l’année prochaine !!!» J’y compte bien ma Chère Noreen !!!

    Ken et son épouse ne m’ayant autorisée à prendre ces photos que dans le cadre exclusif de notre Association, je vous remercie encore de respecter leur volonté…

    «Si j’étais Chef de quelqu’un des Peuples de la Nigritie, je déclare que je ferais élever sur la frontière du pays une potence où je ferais pendre sans rémission le premier Européen qui oserait y pénétrer.»
    Jean-Jacques Rousseau 

    «Il n’y a rien de barbare et de sauvage en cette nation, à ce qu’on m’a rapporté, sinon que chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage.»
    Montaigne

    Nous partons aujourd’hui à la rencontre de John Dubray, fondateur de "La Société des Enfants Bison". Les Programmes «Jeunesse» sont rares sur la Réserve. One Spirit a entamé ce Projet parce que beaucoup de jeunes désoeuvrés ont un potentiel artistique inexploité susceptible de leur ouvrir des portes inespérées. One Spirit a dores et déjà contribué à l’achat de fournitures telles des peaux pour tambours, ou sacs médecine, des toiles pour les tableaux, des perles, et tout le nécessaire au travail de perlage.

    La maison de John se situe sur Allen mais n’est guère facile à trouver… Il faut emprunter une piste, franchir des barrières… Lorsque nous arrivons, son épouse s’apprête à partir avec sa fille aînée pour Chicago. Elle nous salue rapidement, discute un peu avec Jeri et s’engouffre dans la voiture… John sort pour nous accueillir… toujours le même rituel qui met Jeri au cœur d’embrassades émouvantes…

    Nous entrons dans la salle à manger. John nous fait asseoir et nous propose un café. Jeri nous présente, explique notre intérêt pour son Projet et lui demande de nous apporter tous les éclaircissements à ce sujet. Ce qu’il fait naturellement sans se faire prier… John est sûrement un homme médecine, son discours est souvent étoffé de termes Lakota, qu’il s’applique scrupuleusement à nous retraduire en anglais… D’un simple descriptif quantitatif, il dérive sur les fondements culturels et symboliques de sa religion (j’emploie ce mot à bon escient, compte tenu des ingrédients christiques qui viennent de temps à autre argumenter son discours), ce qui n’est pas fait pour me déplaire… Il ponctue ses propos d’anecdotes tirées des fondements de la Culture Lakota, la femme bison, Ikte, l’humaine au double visage, un côté laid et l’autre beau, qui symbolise la dualité inhérente à toute recherche d’équilibre, comme les ténèbres et la lumière, le blanc et le noir, la haine et l’amour… «Tu dois d’abord connaître la haine pour évaluer la force de l’amour…»… Pendant que John parle, son épouse et les petites sont réapparues !!! La plus grande portant la plus petite, je leur fais signe d’approcher, ce qu’elles font sans aucune timidité, et je me retrouve même avec la petite «poupée» sur les genoux !

    En ce qui concerne «La Société des Enfants Bison», une vingtaine de jeunes y participent mais là aussi, il n’est pas aisé de maintenir leur intérêt en alerte… Ceci dit, John reste persuadé que quelques-uns persisteront et trouveront leurs voies. John est une personne posée, sincère, qui force l’écoute et le respect et je suis sûre que son influence est certaine. Je demande à voir quelques jeunes artistes ainsi que leurs oeuvres mais nous sommes en période de vacances et l’entreprise semble compromise… John s’absente quelques secondes et revient alors avec deux tambours afin de nous donner un aperçu du travail réalisé. L’un d’eux est absolument superbe, en peau de bison, peinte également d’un bison dans les règles de l’art… l’autre est en peau de daim et le motif qui l’orne est également magnifique. Je propose à John de les prendre en photo mais avant que je n’ai eu le temps d’ajuster l’objectif de mon appareil, il me tend le deuxième tambour en s’adressant à Jeri «Dis-lui que je lui donne… C’est un cadeau ! »… Je suis comblée !!!

    John propose de nous faire visiter le local où il réunit ses élèves… Mais d’abord, il nous propose de partir à la recherche des bisons qui ont coutume de se promener sur ses terres… Bon ! Malgré cette périlleuse embardée à travers prés, pas de bisons !!! Mais des vaches et de magnifiques chevaux. John nous confie qu’il les laisse souvent à disposition des enfants afin qu’ils puissent les monter pour s’amuser…

    Le local est naturellement en forme de cercle. John semble très fier de cette réalisation : «C’était dans un état déplorable et les jeunes ont eu du courage car ils ont tout refait par eux-mêmes…». Il s’attarde sur l’escalier : «les toilettes «garçons et filles», ils se sont même fait une cuisine !!». Les murs de la salle principale sont maintenant entièrement peints… Personnellement j’adore le motif de l’homme en croix au symbolisme tellement suggestif… naturellement je rebranche John et nous voilà repartis pour un tour (liturgique forcément !). J’aimerai que John m’écrive son interprétation personnelle de cette fresque qu’il n’a pas lui-même réalisée puisque ce sont les jeunes qui l’ont imaginée, libres de toute expression. Il hésite un moment… Jeri insiste : «Tu peux faire ça John ! Ce serait vraiment super, tu sais !»... Il est d’accord !

    Quelques tables et chaises sont dans un coin de la pièce…   «Nous n’en avons pas assez !!!». Je demande le coût de ces meubles et suggère à Jeri que nous puissions intervenir, nous, PRES, à ce niveau… Jeri lui en fait part immédiatement… 

    Nous quittons ce lieu pour nous rendre au POW WOW où John a proposé de nous accompagner, pendant tout le trajet, d’Allen à Pine Ridge, il ne cesse de parler… de tradition, de culture, de religion… Il n’a de cesse d’énumérer les grands principes de la Création et leur portée humaniste. Je me dis qu’il serait bien qu’ils remplacent un jour, le bourrage de crâne imposé à nos enfants par nos Sociétés adeptes du politiquement correct et du puritanisme facile… 

    Il ne s’agit pas là d’un POW WOW pour touristes puisque celui d’aujourd’hui met les Vétérans de toutes les guerres à l’honneur... (de la 2ème Guerre Mondiale, en passant par le Vietnam, les Marines, la Royale Air Force, et même l’Irak…) !

    L’émotion est intense lorsqu’à la fin de cette longue commémoration, un ancien, non costumé, se place en tête du défilé de danseurs qu’il mène alors suivant la circonvolution sacrée du soleil, ses pas frappant le sol au rythme cadencé des tambours qui résonnent des quatre directions…

    Puis les danses, les costumes, les tambours… J’ai eu beaucoup de mal à quitter le cercle… Mais la fête durant plusieurs jours, des choix se sont imposés d’emblée ! J’ai réalisé un film mais je n’ai pas de photos… désolée ! Ceci dit, pour ceux qui se rendront à l’AG, il est bien évident, que nous pourrions le visualiser sur un ordinateur portable par exemple, si je réussis à le mettre sur CD d’ici là !!

    Nous prenons tout de même le temps de goûter les fameux Tacos Indiens que nous avons achetés dans une petite échoppe plantée à la périphérie de l’enceinte. À recommander…

    Puis, nous ramenons John à son domicile… le trajet ouvrant cette fois sa conversation sur les Natives et la politique, les démocrates, Bush… Aux dires de John, je retiens que beaucoup de Natives s’abstiennent de voter, persuadés que le résultat des votes, n’aura que peu ou pas d’incidence sur la vie de la Réserve. Mais une choses est certaine, il serait faux de croire que les Lakota se désintéressent de la vie politique de leur pays… et de celle des autres pays… n’est-ce pas Charley ? Ils sont très concernés, beaucoup plus, et c’est là le paradoxe, que bon nombre d’américains que nous avons rencontrés hors de Pine Ridge, qui méconnaissent volontairement ou non le problème des Réserves !!!

    Et John en tant que Président du District d’Allen en est un témoin perspicace !

    La région d’Allen est superbe… vallonnée, verte… les chevaux y paissent paisiblement…Tout respire la sérénité… A première vue, aucune ombre au tableau…Mais des paroles de John qui reviennent en images : «C et D sont très âgés et bien malades, le diabète… Il faudra s’occuper de leur trouver du chauffage l’hiver prochain… je prête mes chevaux pour occuper les gosses… pendant ce temps-là, ils ne pensent pas aux conneries… Jeri, ce serait bien si B & F pouvaient bénéficier du programme SHARE…»

    Enfin, voici quelques photos des réalisations de jeunes artistes, élèves de John : nous avons envisagé avec Jeri et Phil, que PRES pourrait acheter deux ou trois de ces superbes tambours afin de les commercialiser sur son Site : Vous, adhérents, aurez ainsi l’opportunité de les acheter à votre tour via PRES. Leur prix varie de 150 à $ 200 (sachant que le dollar est actuellement à un taux inférieur de 1.38 par rapport à l’euro !) pour les plus travaillés, et nous reverserons alors à John (par l’intermédiaire toujours de One Spirit) le montant de nos ventes… Commerce équitable vous voyez ???

     

    Ce matin, Jeri veut m’emmener à la boutique d’artisanat «Native American Fine and Tribal Arts» de la Red Cloud Indian School afin de faire quelques achats «intelligents» !

    L’extérieur de cet établissement est particulièrement luxueux ! Il n’est pas dans notre intention de visiter l’école dans son ensemble. Cependant, avant d’entrer dans la boutique, je réussis à jeter un œil sur une petite salle de classe… C’est une toute petite salle, chaleureuse avec son petit poêle à bois rétro, ses pupitres bien cirés... L’impression de nos petites écoles communales d’autrefois… où le Christ au-dessus du bureau du Maître a conservé toute sa prééminence !!! Et oui, cette école est indubitablement sous influence épiscopale !

    En ce qui me concerne, l’intérêt ici réside surtout dans l’opportunité qu’elle donne aux jeunes Natives d’exposer et de vendre leurs œuvres artistiques. J’ai pu y trouver là une magnifique petite couverture Lakota pour mon(ma) futur(e) petit(e) fils (fille) entièrement réalisée à la main. Ce magasin ouvre tous les ans depuis 1969 du premier Dimanche de Juin jusqu’au troisième Dimanche d’Août. La boutique d’artisanat est contiguë à une salle d’exposition de peinture, sculpture, splendide et les tableaux réalisés par les jeunes artistes amérindiens (pas seulement Lakota mais aussi Navajo, Hopi, Cheyenne…) ne le sont pas moins…

    Sur le chemin du retour, Jeri veut s’arrêter pour voir l’avancée des travaux relatifs à la construction d’un local destiné à une école «Lakota» dont la maîtrise d’œuvre est assurée par Kathleen Price, Directrice de «Mission of Love» dont je vous ai déjà parlé. 

    Il est près de midi lorsque nous arrivons sur les lieux et il y fait une chaleur torride !

    Des hommes et des femmes s’activent sur le toit d’une structure entièrement en bois et semblent ignorer les inflexibles rayons du soleil.

    Kathleen est en pleine discussion à l’intérieur d’un véhicule avec le Docteur Rashid Abdu, célèbre Chirurgien Yéménite et Auteur d’un best seller «Journey of a Yemeni Boy» qui, je l’ai su plus tard, investit ponctuellement des sommes importantes dans des opérations à caractère humanitaire ou culturel, dont quelques unes sur la Réserve.

    Il n’est pourtant pas impliqué dans le projet qui prend corps devant nos yeux puisqu’en discutant ensuite avec le commanditaire Lakota de ces travaux, j’apprends que les fonds proviennent exclusivement d’un industriel Allemand.

    À voir ces hommes et ces femmes travailler ainsi sous la chaleur, sans même prendre un court temps de repos pendant les deux heures que nous sommes restés en plein soleil, j’accorde une importance accrue aux propos tenus précédemment par Charley : ces gens oeuvrent tous bénévolement, ils font pour la plupart partie de la même famille et ont de surcroît un intérêt commun : la défense de leurs Traditions, de leur Culture. Et je comprends mieux pourquoi les quelques tentatives d’industriels «bien pensants» qui, pour résorber le taux de chômage sur la Réserve, avaient eu un temps l’idée généreuse d’y implanter leurs usines, avaient toutes échoué : outre la méfiance des Lakota à l’égard des Blancs «Européens», il faut tenir compte d’une Culture attachée à des principes de solidarité, de partage, de bien commun, qui seraient en inadéquation totale avec la notion de travail rémunérateur, au profit malgré tout d’un patron unique, même empli des meilleures intentions. Je ne voudrais pas me lancer dans une étude politique mais si l’on se réfère au livre de Pierre Clastres «La Société contre l’Etat», il y est dit que les Sociétés Amérindiennes ont fasciné très tôt les premiers colons qui ont tenté d’analyser leurs systèmes de fonctionnement politique, basé sur l’absence de hiérarchisation Sociale (le «Chef» ne serait en fait qu’un concept imaginé par les Blancs mais sans aucune correspondance chez bon nombre de tribus amérindiennes). Peut-être ne s’agit-il là que d’interprétations à l’occidentale, mais celle-ci est tout de même très intéressante et pourrait peut-être expliquer cela !!

    L’après midi, le dernier avant notre départ, Jeri tient à me faire rencontrer des Lakota de la Cheyenne River Reservation.

    Tout le monde est épuisé : Jeri est debout, bien fatiguée elle aussi, mais bien ancrée également sur sa pro-position. Devant l’engouement manifeste de notre entourage pour une sieste bien méritée, nous décidons de partir toutes deux.

    Le ciel a de nouveau viré à l’orage et j’avoue ne pas être très rassurée mais Jeri inspire la confiance… visiblement elle connaît ces nuages…

    Jeri m’explique que nous n’irons pas jusqu’à Cheyenne River (je crois me souvenir qu’il y a presque quatre heures de route…) et qu’elle leur a fixé rendez vous à l’entrée du Parc National des Badlands… Ils effectueront la moitié du trajet de leur côté… Après deux heures de route (tout de même !) nous nous arrêtons sur une aire de station essence et une femme sort d’un camion pour nous saluer... Jeri me la présente et m’invite à admirer son travail de perlage. Je me dis que là encore, nous avons une opportunité de promouvoir cet artisanat si magnifiquement préservé et si spécifique au peuple Lakota. Je lui propose de faire une photo de ses réalisations et de les exposer sur notre Site Web. Visiblement, elle est contente… beaucoup plus en tout cas que le gars qui l’attend dans le camion et qui ne daignera même pas nous adresser un signe…

    Nous reprenons la route en sens inverse, traversant à nouveau le magnifique Parc des Badlands. Le ciel s’est encore assombri et les formes étranges et pittoresques de ce relief extraordinaire semblent s’incruster sur une plaque métallique… Il règne une atmosphère lourde et magique à la fois où le brun et le blanc se rejoignent. À la sortie de ce sanctuaire, au terme de ce spectacle hallucinant, alors que nous sommes encore sous le choc, et surtout contre toute attente, un bison solitaire bien campé sur ses pattes, semble nous attendre pour nous saluer une dernière fois… Bye bye Tatanka… On ne t’oubliera pas… même pour nous qui ne sommes pas et ne serons jamais Lakota…

    Car être allée sur la Réserve m’a confirmé que ce trésor culturel ne nous appartient pas. Se parer de plumes, fumer la Pipe Sacrée, dormir dans un tipi, participer à une loge de sudation, ne feront jamais de nous des Lakota ! Et je crois que ces premiers, aspirent vraiment à ce que pour une fois, nous leur laissions entièrement disposer de ce qu’il leur revient de droit : leur Culture. Laissons-les seuls dépositaires de cet héritage unique et là, je m’insurge contre toutes les personnes qui se permettent de «jouer» (c’est le mot juste) aux Indiens, galvaudant ainsi une tradition ancestrale, s’octroyant encore une fois ce privilège unique de Blanc qui consiste à soumettre pour mieux dominer tout ce qui est susceptible de lui apporter un confort matériel, spirituel ou moral !!! Ces personnes ne s’inquiètent nullement du sort des Lakota, elles ne sont tournées que vers elles-mêmes, vers leurs centres, oubliant que la tradition Lakota implique que les cercles soient concentriques, telle la spirale… de l’extérieur vers le centre mais aussi du centre vers l’extérieur…

    Amitiés à toutes et tous… FIN

    Catherine

    • 2011 • Sur la Réserve avec Dominique, Sandrine, Harold et Agnès - "Sundance & Sweat Lodge" !

     9 Juin 2007 


    Extrait du courrier envoyé par Catherine, présente à ce moment-là sur la Rez, pour la réalisation de nos Programmes !

    "Nous avons rencontré bon nombre de personnalités intéressantes :

    • La responsable de l'Association pour les victimes de violences de tous ordres.
    • Un traditionnaliste Lakota qui souhaite un local pour enseigner la langue Lakota aux jeunes.
    • Merle Locke qui enseigne aux jeunes l'Art de la peinture sur peau.
    • Demain, Carole Binnington souhaite nous faire rencontrer la Directrice de la Bibliotheque de l'Oglala College qui a besoin de livres pour les enfants.

    Nous avons là, plein de perspectives hyper intéressantes à developper... Nous apprenons vraiment beaucoup de choses surprenantes."

     

    • 2007 • Sur la Réserve avec Catherine et Jean-Louis - "Programmes Humanitaires" !


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